Mes excuses à ma poule
Oh ! Ma chère poule, tu le sais bien, ce n’est point par plaisir de te voir souffrir, ni par délire (rire à la folie) de te voir affolée, que je t’embête avec ces sachets plastiques. Un sachet qui, accroché à tes pattes te fait brandiller, dandiner, sautiller dans tous les sens, te met en rogne, bref dans tous tes états. Crois-moi, j’en suis navré de toujours l’utiliser. Tu sais bien que moi je ne suis qu’un célibataire et de surcroît chômeur. Et avec le peu d’oboles qu’on glane on ne peut qu’acheter les nourritures toutes prêtes dehors et pour nous permettre de les emporter facilement, histoire de ne pas disparaître avec leur plat, il nous faut donc ces sachets plastiques. Ce n’est pas moi qui suis en faute. Je sais que ces sachets qu’ils soient noirs, blancs ou jaunes, ils te mettent tous en rogne une fois qu’ils sont collés à tes pattes.
Excuse-moi ! Ce n’est pas la faute aux éboueurs. Tu sais, Lomé qui était la plus belle ville est devenue une poubelle. Et ils essaient à leur manière de la nettoyer. Regarde leur condition et leurs outils de travail : des gants troués, des sandalettes et des poussettes à traction humaine qu’ils trimbalent de ménage en ménage, de maison en maison, de ruelle en ruelle et de quartier en quartier. Sais-tu combien de quartiers composent la capitale ? Il faut les comprendre ma poule. Sous ce soleil brûlant ils trimbalent à deux ces bennes à ordures, mieux ces pousse-pousse débordés d’ordures. Combien de pâtés de maisons vont-ils faire avant de tomber raides fatigués sous ce soleil tropical à qui seuls ces sachets plastiques résistent. Ces sachets finissent par nous atteindre à Adidogomé à 25 kilomètres du centre-ville. Ils en ont pour des jours, des semaines, des mois avant de nous visiter; et pourtant me diras-tu la République a des voitures, des camions laissés en jachère au garage. Il y a aussi les aides au développement me diras-tu, et qu’en faisons-nous ? Ou pourquoi ne pas interdire simplement leur importation comme au Rwanda ?
Et quand mon panier est plein ce n’est donc pas ma faute si mes ordures n’ont que pour toute place ses pourtours. Mais dis-moi combien de fois ne t’ai-je pas interdit de t’approcher de ce panier ? Entre-temps, tu fus intelligente et je t’avais vu prendre d’assaut celui du voisin. Tu sais, le riche du quartier, le baron.
L’odeur fétide et nauséabonde nous assaille et nous inonde tous dans le quartier. Elle nous pourchasse dans nos chambres même sous le lit, infectant nos friperies. C’est peut-être elle qui t’a poussée aussi à fuir cette corbeille pourtant bien garnie. Ou dis-moi, c’est le génocide dont sont victimes des compères poules (ce sont les viscères des poules tuées et mangées par cette famille riche qui puent dans leur corbeille). Et te revoilà farfouillant et écarquillant à côté de ma poubelle pour finir par prendre une patte dans un plastique. Et moi qui t’en veux. Ce n’est donc pas ta faute, aussi je te comprends. Ce n’est donc la faute à personne et c’est avec un grand regret que je me tourne vers toi , être sensé et intelligent, toi qui hait de tout ton cœur ces sachets plastiques non dégradables qui nous enlisent.
A qui la faute ? Donc à personne ?