Une fête inoubliable

Article : Une fête inoubliable
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24 décembre 2013

Une fête inoubliable

crédit image: Yahoo
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C’était mes neuf ans. Je faisais la classe de CE2 (Cours Élémentaire Deuxième année). Nous étions avec notre père à son poste d’affectation à Wogba, un petit village de la préfecture de Vo. C’était notre troisième fête de nativité dans ce village. Les deux premières s’étaient suivies et  s’étaient ressemblées par faute de connaissance et d’intégration. Cette troisième était particulière, car, le père avait apporté de la capitale (lomé)  une télévision en blanc noir qu’on alimentait avec une batterie. J’humais la fête  en plein nez. Un sachet de riz était aussi dans les bagages. Mon grand frère qui, le premier, avait découvert le pot aux roses m’héla et me le montra discrètement. Nous fûmes euphoriques et nous partagions notre heureux évènement avec tous les copains du foot. Nous allons enfin alterner la pâte et le manioc. Enfin du riz. Un plat qui nous ait donné deux fois par an, Noel puis nouvel an. Je ne saurai vous dire avec exactitude à quoi est dû ce régime alimentaire digne des prisonniers. Peut être bien au misérable salaire que percevait mon instituteur de père ou à l’enclavement de cette zone. Puisque le prix des aliments dits de base comme le lait, le riz, le sucre subissaient une forte inflation allant de 50 à 1OO%. Et que dire des boissons importées, les prix décourageaient même les fortunés qui, comme les pauvres s’adonnaient au sodabi (boisson local). Bien que nous ayons pour ce grand moment comme toute boisson, une eau dont la potabilité est douteuse (eau de rivière), cette fête fut sublime. Ainsi, ils sont en ce moment des milliers de fonctionnaires de la république, oubliés au fin fond des forêts inaccessibles vivant de jour en jour cette vie de bagne avec leur famille. Moi, je ne vous oublie pas. Bon courage à vous et bonne fête de  nativité à toute la famille. Oups ! Je dévie.

Très tôt le matin du 25, je m’étais éveillé de moi-même, moi qui toujours me faisais prier de me lever et de me laver prit, malgré l’harmattan, mon bain pour paraitre exemplaire et rentrer dans les bonnes grâces du père… Noël. Je ne vous dirai pas ici que je courus sous le sapin pour chercher un carton en mon nom. Non ! En Afrique, mieux, nous les pauvres, nous n’avions guère besoin de grandes choses pour être heureux. De  plus l’argent des jouets, les parents préféreraient à raison l’utiliser pour des poissons afin de  nous éviter du rachitisme. Enfin, nous n’étions habitués à aucun cadeau si ce n’est de quoi grignoter, des biscuits. Et notre père, me remis mon sachet de biscuit. Au même moment, la mère qui s’était levée de bonnes heures préparait notre seul repas consistant de la journée du bon riz.

Mon grand frère et moi, s’assîmes à environ deux mètres du fourneau à bois, humant bouche ouverte narines dilatées, l’odeur de la sauce tout en nous  brulant la langue d’un piment imaginatif que nous essayâmes par des « tsuuu » d’évacuer. Et comme les chiens de Pavlov devant la nourriture, nous déglutîmes abondamment. Je vous épargne cette dégustation.

Après le repas, nous nous retrouvâmes. Une sarabande de gamins majoritairement composée des enfants d’instituteurs  tous dans nos complets (pantalon et chemise de même pagne) tous beaux, tous neufs. Nous gambadâmes  et bêlâmes en boucle « Pé milé dou Pé trova do » (C’est la fête, la fête est revenue) tel des cabris. Nous allâmes de maison d’instituteur en celle de directeur, de maison directeur en celle de la matrone, de maison de la matrone en celle d’encadreur agricole, de maison d’encadreur en celle du chef de village et de maison du chef pour nous retrouver dans la maison du Houno (féticheur) où, les poules saignées à blanc dormaient sur une pâte blanche et salée appelée dzogoli. Et nous, âmes innocentes et  cœurs d’enfants, nous nous régalâmes accompagnés des agbassivis (les adeptes) sans embûches ni préjugés.

Le soir, nous nous retrouvâmes tous à la mission catholique où nous rejouâmes tout autant que nous étions l’histoire de la naissance du messie sous le regard admiratif aussi bien de nos parents qui nous offrirent quelques pièces de 5 ou 1Of,  que du féticheur et de l’imam. Dans  une communion et dans une fraternité collective, tout le village se fédéra pour nous offrir enfants de tout horizon et de toute religion une grande paty (fête) dans la maison du chef. Je savoure en détails chaque instant de cette journée féerique à chaque noël.

Bonne fête à tous surtout aux enfants de Centrafrique et du Soudan du Sud.

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